I just want to feel safe in my own skin

Le paysage défile sous tes yeux, pas plus qu’un regard vague. Les paroles d’un paternel qui s’acharne à réitérer les mêmes paroles, un frère ainé bienveillant dans son silence – que vous partagez – et une figure maternelle qui t’incite à profiter de la vie. Une myriade d’attitudes et de paroles qui tourbillonnent dans ta tête alors que d’une œillade furtive et attentive à la fois tu l’observes. Son regard s’abime dans le néant que représente ses songes, du moins tu l’imagines. Tu apprends à deviner, à saisir le fil peu loquace de son caractère qui se veut-on ne peut plus changeant ces derniers temps. Assise en tailleur sur la banquette en cuir du compartiment du train, le coude posé sur l’accoudoir, tu serres de ta main gauche la plume avec laquelle tu reprends le cours de ton écriture. Une écriture fluide et précise qui dépeint le certain trait pointilleux et sérieux de ta personnalité complexe. Ton camarade te fait face et bien que le silence pourrait être pesant tu l’apprécies que davantage quand bien même tu peux saisir les noires pensées qui jalonnent des paroles non dites mais franches. Tu soupires doucement en tournant la page de ton carnet déjà bien entamé. « A trop penser, tu vas finir par t’y perdre tu sais. ». Ce n’était pas réellement une réprimande – surtout venant de ta part – mais plutôt un conseil d’ami à ami, de bouclier à personne comme tu avais tendance à le penser. Seize années et déjà bien ancrée dans la réalité d’un monde où il figurait comme une clef de voute. Honneur et peur, fidélité et crainte. Il devait choisir. Tu sens son regard se porter sur ta personne mais tu continues de coucher sur papier le berceau même de tes pensées. Tu sais comment il est, comment il pourrait réagir. Tu connais Draco même si lui ne te connais pas autant que l’inverse.

Cet été était de loin, le pire été que le jeune prince des serpents avait vécu. Ses souvenirs étaient noirs, tout comme son âme, ébranlée et brisée par la peur, la perte et la désillusion. Les journaux et les cancans en parlaient encore, oui, Lucius avait terminé en prison. Il était officiellement déclaré comme un mangemort et certains de ces anciens amis s'amusaient bien de lui cracher à la figure, de retourner leur veste à lui, comme à sa femme et à son fils. Dès son arrivée à la gare, Draco avait senti les regards fuyants d'anciens élèves qui se disaient ses alliés. Il avait vu naître en lui, une peur viscéral d'être oublié et de ne plus avoir ce trône d'acier qu'on lui avait forgé dès son enfance, bien avant sa naissance même. Depuis qu'il était petit, Draco avait été bercé par les paroles de son père, il les avait bu comme un breuvage sans fin. Il y croyait autant qu'il voulait y croire, un monde parfait. Un monde où sa famille aurait le statut qu'elle méritait, un monde où les ténèbres seraient chaudes et où Draco serait un héros, un prince qu'on respecterait autant qu'on pourrait le craindre. Foutaises, balivernes, mensonges. Le rideau était tombé et Draco s'était réveillé. Le rêve avait laissé place à un terrible cauchemar et une humiliation sans nom pour son nom, sa dynastie. Perdu dans ses pensées, il entendit la voix de Pansy comme un écho lointain et leva les yeux vers celle-ci. « A trop penser, tu vas finir par t’y perdre tu sais. » Le sorcier ne répondit pas sur le moment, il sentit seulement une vive brûlure lui mordre l'avant bras droit, maudit désormais à cause de Vous-Savez-Qui. Il se pinça les lèvres et tourna le visage vers le paysage qui défilait sous ses yeux. « Se perdre est peut-être une forme de renaissance, un moyen de mieux se retrouver » le voici devenu un brin philosophe. Trop peu. Déjà, il ôta la veste noire de son uniforme et fit quelques pas en se plaignant de la chaleur. « Je me fais violence en retournant dans cette misérable école » cracha-t-il comme un serpent crache son venin.

Une expression bien lourde et pesante dans le bleu d’encre de ses yeux. Une fatalité qu’il semble porter en silence. Une vertu de force qui fera naitre des faiblesses dans les failles de sa personnalité. Il ne laissait rien entrevoir dans son comportement, un parfait étranger n’en aurait rien remarqué et à l’image de l’inconnu tu feintes l’existence du vrai. « Se perdre est peut-être une forme de renaissance, un moyen de mieux se retrouver ». Même si son timbre de voix est emplit de lassitude fort lointaine – comme s’il demeurait à des milliers de kilomètres – tu ne peux t’empêcher d’esquisser un maigre sourire discret au coin des lèvres. Il n’avait jamais émis la moindre vibre de philosophie, de coutume il aurait plutôt ragé et juré en lançant une parole injurieuse, insatisfaite. L’été avait bousculé son innocence, son insouciance devenue prudence puis réflexion. « Le temps que tu te retrouves toi-même, j’ai envie de te dire que c’est le principal. ». Lui dis-tu tout en faisant glisser ta plume sur le papier qui ne cesse de se remplir au fur et à mesure des minutes qui s’écoulent. L’écriture est un échappatoire pour toi. Tu déposes sur un parchemin les esquisses et les pensées qui jalonnent ta mémoire, ton esprit. Un parfait compagnon de silence, conservateur de tes moindres mystères. Bien que les rayons du soleil transpercent au travers de la vitre du train, tu profites de cette chaleur qui bientôt disparaitra au profit d’une brise plus froide et sombre qu’était l’automne. Ton compagnon de route se lève tout en enlevant la veste à l’effigie du collège de sorcellerie qui bientôt accueillerait votre avant dernière année. « Je me fais violence en retournant dans cette misérable école ». Tonne-t-il avec une certaine animosité dans le regard. Tu reconnaissais bien là son caractère, cependant ses accents de violence décrivaient bien autre chose. « Ce n’est pas si terrible, plutôt on y sera plus vite tu te feras une raison. ». Aucune rancœur de retour, plus une habitude sur laquelle tu ne pouvais pas faire grand-chose pour le moment. Le retour à Poudlard émettait une distance avec ta famille, loin des paroles redondantes de ton père quand bien même tu recherchais exactement ce pourquoi tu avais été élevée. Pour lui en revanche tout était bien différent. Tu sais que poser ton attention sur l’héritier des Malfoy reviendrait à la pousser à bout, alors tu préfères attendre qu’il se livre comme tu l’as toujours fait.